Auteur : autres-problemes-cathignol
Date de création : 22-05-2018
1. Une dame vaut 9 pions, quand même !, par Pierre-Antoine CATHIGNOL
------------------------------------------------------------------------------------------------------------
UNE DAME VAUT 9 PIONS, QUAND MÊME !
------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Auteur : Pierre-Antoine CATHIGNOL, né le samedi 3 décembre 1949, au Mans (Sarthe).
Problème : N°1207 de DIAGRAMMES N°54 (sixième bimestre 1981), page 918.
Composé le : en 1981 ou avant [numéro personnel inconnu (pas retrouvé dans mes cahiers)]
Type : Direct orthodoxe (= "normal", "traditionnel", "classique", etc.) : les Blancs jouent et font mat au 8ème coup.
Solution abrégée : page 945 de DIAGRAMMES N°57 (mai-juin-juillet-août 1982).
Principaux essais : 1.Rf2? f3! ; 1.Da1? f3+! ; 1.Da5? f3+! (gain blanc dans ces trois cas et dans bien d’autres, mais pas en 8 coups)
Récompense : aucune, parmi 23 problèmes dont un de moi en 2ème prix ; voir « case pour case », deuxième article de mon blog sur mes duels "cavalier contre fou" ; lien :
http://echecs-cathignol-duels-c-f.vefblog.net
Jugement paru dans DIAGRAMMES N°68 (sixième bimestre 1984), page 1087.
L’absence de récompense est assez normale car, sur le thème de l’asymétrie, on a fait beaucoup mieux.
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Juge : Manfred ZUCKER, problémiste allemand.
Wikipédia nous apprend ceci :
Date et lieu de naissance : 15 avril 1938, Chemnitz, Allemagne.
Date et lieu de décès : 23 octobre 2013, Chemnitz, Allemagne.
Auparavant, j'avais ceci comme informations :
Auteur d’environ 750 problèmes (des multicoups en majorité),
il fut nommé juge international pour la composition en 1972. Depuis 1973, il s’occupe de la section "Problèmes" de la revue « Schach » et de celle de la « Freie Presse » depuis 1960.
Auteur d’environ 750 problèmes (des multicoups en majorité), il fut nommé juge international pour la composition en 1972. Depuis 1973, il s’occupe de la section "Problèmes" de la revue « Schach » et de celle de la « Freie Presse » depuis 1960. [selon Alain BIÉNABE, "le Nouveau Guide des Échecs", Éditions "Robert Laffont", collection "Bouquins", Paris, 2009]
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Beauté : thème de l’asymétrie, avec une clé qui admet pourtant un coup symétrique.
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Commentaires d’un solutionniste inconnu de moi (initiales : OP)
« Pas facile ; une étrange position du début ! »
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Comme sur la plupart de mes autres blogs échiquéens, j’appellerai "TVP" le "Texte des Variantes Principales" tout au long de ce blog.
Il est reconnaissable à sa couleur gras bleu, et, quand un coup du "TVP" est repris dans un commentaire, il perd sa couleur gras bleu pour devenir en général du vert. De sorte que l’on puisse suivre verticalement le "TVP".
Évidemment, s’il y a plusieurs variantes principales, il y a plusieurs "TVP" en gras bleu. Ce n’est pas le cas ici (une seule variante principale pour ce problème).
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Variations sans dual : 2 variations sans dual.
Variantes sans dual : 1 variante sans dual.
Parcours sans dual : 1 parcours sans dual.
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------
UNE DAME VAUT 9 PIONS, QUAND MÊME !
2+9 8#
Solution
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Komodo met entre 4 et 8 secondes pour trouver la solution.
MATEBADIX, soumis à aucune condition, va encore plus vite, ne mettant que 2 secondes et 3 centièmes pour donner les 2 variations sans dual.
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Réfléchissons un peu sur cette étrange position ; d’abord elle est bien légale : les pions noirs ont effectué dix prises au total, sans difficulté aucune.
Ensuite on voit que la position des pièces est symétrique par rapport à le colonne "e".
Donc s’il existait une colonne "i", symétrique de la colonne "a", on pourrait déduire tout de suite que le problème serait incorrect. En effet tout premier coup joué en dehors de la colonne "e", par exemple 1.Da1 ne pourrait être une clé du problème sans que le coup symétrique 1.Di1 n’en soit une autre. D’où dual dès le premier coup, ce problème étant donc démoli, pour cause de deux clés au lieu d’une seule. Il faudrait donc chercher un coup légal joué sur la colonne "e" mais il se trouve qu’il n’y en a pas ! La dame ne peut pas bouger sur cette colonne et le roi non plus car 1.Re3¿¿ est un coup illégal vu que le roi blanc se mettrait en échec. Problème insoluble, donc.
Oui mais voilà, il n’y a pas de colonne "i" sur un échiquier normal, qui n’a pas de 9ème colonne !
On est donc tenté de penser que la clé est un coup qui n’admet pas de symétrique.
Il en existe deux : 1.Da1 et 1.Da5 puisque les coups symétriques 1.Di1¿¿ et 1.Di5¿¿ sont illégaux, sortant des limites de l‘échiquier.
Je pense que tous ceux qui ont tenté de résoudre ce problème ont dû essayer d’abord 1.Da1 et 1.Da5 ; et ils ont dû être surpris qu’aucun de ces deux coups ne marche ! Non seulement aucun de ces deux coups ne permet un mat au 8ème coup mais en plus les Blancs gagnent difficilement. Exemples (Komodo) :
— 1.Da1? f3+(!) 2.Rf2 f4 3.Db2 Rf5 4.Dxd4 Rg5 5.Db4 Rg4 6.Dxd6 e3+ 7.Rf1 Rf5 8.Re1 f2+ 9.Re2 e5 10.Dxd5 Rg4 11.Dd7+ Rg5 12.Dh7 f3+ 13.Rf1 Rf4 14.Dg6 f5 15.Dd6 Re4 16.Dd8 f4 17.Dd7 e2+ 18.Rxf2 e1D+ 19.Rxe1 Re3 20.Dd2+ Re4 21.Rf2 Rf5 22.Dd5 Rf6 23.Rxf3 Re7 24.Dxe5+ Rd7 25.Dc5 Re6 26.Rxf4 Rf6 27.De5+ Rf7 28.Rf5 Rg8 29.De7 Rh8 30.Rf6 Rg8 31.Dg7#
Ouf ! Ça était dur, mais bon, "on" a fini par gagner ! Après tout, les Noirs n’avaient que 8 pions, et une dame vaut 9 pions, quand même !! J
— 1.Da5? f3+(!) 2.Re1 e3 3.Da6 Re4 4.Dxd6 f2+ 5.Rf1 e5 6.Db6 d3 7.Db1 f4 8.Rg2 f3+ 9.Rg3 d4 10.Db7+ Rf5 11.Dh7+ Rg5 12.Dg7+ Rh5 13.Dg4+ Rh6 14.Dxf3 f5 15.Dxf5 d2 16.Db1 Rh5 17.Rf3 Rg5 18.Dd1 Rf5 19.Dc2+ Rf6 20.Dd3 Rg5 21.Db1 Rf6 22.Rg4 Re6 23.Dd3 Re7 24.Rf5 Rd6 25.De2 Rd5 26.Db5+ Rd6 27.Dxe5+ Rc6 28.De4+ Rc5 29.Dd3 Rd5 30.Rf4 Rc6 31.Re4 Rc5 32.De2 Rb4 33.Rxd4 d1D+ 34.Dxd1 Rb5 35.Df3 Rb6 36.Rd5 Ra5 37.Rc5 Ra4 38.Dd1+ Ra3 39.Rc4 f1D+ 40.Dxf1 Rb2 41.De2+ Ra1 42.Rc3 Rb1 43.Db2#
Ouf ! Ça était dur, mais bon, "on" a fini par gagner ! Après tout, les Noirs n’avaient que 8 pions, et une dame vaut 9 pions, quand même !! J
Il faut donc raisonner plus profondément. Comme le disait le génial "Français" Alexandre ALEKHINE (champion du monde jusqu’à la 2ème Guerre mondiale) en parlant de son "ennemi intime", le non moins génial Cubain José Raoul CAPABLANCA, champion du monde avant lui, battu après plusieurs mois de lutte acharnée lors du « match du siècle » (il y en eut trois, des « matchs du siècle », en 1927, 1972 et 1984, ce dernier inachevé après 48 parties, mais chacun de ces matchs historiques "a droit" à ce titre J) :
« Certes, CAPABLANCA est un joueur qui pense plus vite que moi ; en revanche mes pensées sont plus profondes. »
Très aimable, n’est-ce pas ? J L
Bref, on peut penser que le coup qui n’admet pas de symétrique ne soit pas le premier coup de la solution, mais un coup qui apparaisse plus tard dans la solution. Et donc on peut chercher dans cette direction. Mais ce n’est pas encore ça ! C’est un peu plus subtil comme nous allons le voir en étudiant la solution, que voici :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------
1.Rd2!
Si 1.Rd2! gagne en 8 coups, pourquoi donc 1.Rf2(!?) ne gagne-t-il pas aussi en 8 coups ? On le verra plus bas. Voyons déjà ce que donnerait ce coup. Une nouvelle fois un gain, mais un gain long et difficile.
1.Rf2(!?) f3(!) (sinon mat dès le 5ème coup) 2.Da1 f4 3.Db2 Rf5 4.Dxd4 Rg5 5.Db4 Rg4 6.Dxd6 e3+ 7.Rf1 Rf5 8.Re1 f2+ 9.Re2 e5 10.Dxd5 Rg6 11.Dd7 Rh6 12.Dg4 Rh7 13.Dg2 Rh6 14.Dg8 Rh5 15.Dg7 e4 16.Rf1 Rh4 17.Dxf6+ Rh5 18.Dxf4 e2+ 19.Rxe2 f1D+ 20.Dxf1 Rg6 21.Re3 Rg7 22.Df5 Rg8 23.Dd7 Rf8 24.Rxe4 Rg8 25.Rf5 Rh8 26.Rf6 Rg8 27.Dg7#
Ouf ! Ça était dur, mais bon, "on" a fini par gagner ! Après tout, les Noirs n’avaient que 8 pions, et une dame vaut 9 pions, quand même !! J
--------------------------------------------------
1...f3(!)
Sinon mat au 4ème ou 5ème coup. On a :
— A) 1...e3+??
2.Rd3! f3(!) (si 2...e2??, alors 3.Dxe2#)
3.Dh4! (menace 4.Dxd4#) f4(!) (seule parade)
4.Dh5+! f5 (forcé)
5.Dh8#
— B) 1...d3??
2.Da1+! d4 (forcé)
3.Da5+! d5 (forcé)
4.Dc7#
------------------------------
Arrêtons-nous sur l’essai de défense B. Et voyons ce qui se passerait si l’on avait joué 1.Rf2(!?).
Eh bien, cette défense 1...d3??, qui ne marche pas, mais alors pas du tout (mat dès le 4ème coup) pour la clé 1.Rd2!, figurez-vous que sa défense symétrique 1...f3(!) marcherait très bien pour le coup symétrique 1.Rf2(!?).
C’est ce qu’on a vu dans le paragraphe au-dessus, celui qui commente la clé, et qui débute par « Si 1.Rd2! gagne en 8 coups, pourquoi donc 1.Rf2(!?) ne gagne-t-il pas aussi en 8 coups ? ».
Certes les Blancs finissent par gagner mais seulement vers le 27ème coup comme dans l’exemple offert ci-dessus par Komodo.
Pourquoi donc ne peuvent-ils pas gagner dès le 4ème coup ? Eh bien parce que les deux coups 2.Da1+! et 3.Da5+!, joués dans B, n’admettent pas de symétrique, vu que l’on ne peut pas jouer les coups illégaux (car sortant de l’échiquier sur une 9ème colonne) 2.Di1+¿¿ et 3.Di5+¿¿ !!
Bref, c’est une défense très inférieure (et non la principale, celle qui tient jusqu’au 8ème coup) de 1.Rd2! qui deviendrait tout à coup possible pour tenir environ 27 coups au lieu de 4, si l’on essayer au départ 1.Rf2(!?), coup symétrique de la clé.
Voilà pourquoi sans doute le solutionniste aux initiales OP a écrit :
« Pas facile ».
Il s’attendait sans doute à trouver un coup n’admettant pas de symétrie dans le TVP de la solution !
Mais dans le TVP de la solution, il n’y a que des coups qui admettent un coup symétrique ! J
Remarquons pour finir que la défense inférieure A ci-dessus utilise des coups blancs qui admettent un coup symétrique et que, par conséquent, la symétrique de A réfute aussi l’essai 1.Rf2(!?), au contraire de la symétrique de B !! On aurait donc :
1.Rf2(!?) e3+??
2.Rf3! d3(!) (si 2...e2??, alors 3.Dxe2#)
3.Db4(!) (menace 4.Dxf4#) d4(!) (seule parade)
4.Db5+(!) d5 (forcé)
5.Db8#
Notons toutefois que l’abondance d’espace pour la dame qui serait alors à l’ouest de l’échiquier permettrait un trial au 3ème coup [3.Da1+(!) et 3.Dc3+(!) gagnent aussi vite] et un dual au 4ème coup [4.Da5+(!) gagne aussi vite]. Mais c’est sans grande importance.
--------------------------------------------------
2.Dh4!
Et non 2.Dg3+?, qui est un « échec sans provision », comme disent les pousseurs de bois J, dont je suis ! L
Ce coup très faiblard finirait par gagner (comme bien d’autres) mais encore au bout d’une très longue bataille.
Le coup du texte menace d’un mat en trois coups, le suivant :
3.Dh2+! f4 (forcé) 4.Dh5+! f5 (forcé) 5.Dh8#.
--------------------------------------------------
2...d3(!)
La meilleure défense. Sinon en effet les Blancs peuvent plus ou moins appliquer le plan ci-dessus (celui avec 5.Dh8#).
Tandis qu'avec le coup du texte, ce plan, qui finira quand même par être appliqué, va se retrouver retardé de trois coups.
--------------------------------------------------
3.Rc3!
Car le roi noir menaçait de se sauver par la case d4. 3.Re3? n’aurait pas été bon à cause du très fort échec 3...d4+(!) qui aurait suivi, repoussant très loin le mat des Blancs. Certes, 3.Rc3! permet aussi cet échec mais le roi noir n’en tirera pas les mêmes avantages ainsi qu’on va le voir.
--------------------------------------------------
3...d4+(!)
Sinon mat dès le 5ème ou 6ème coup par la manœuvre exposée ci-dessus [(Dh2+!,) Dh5+! puis Dh8#] ou bien, si 3...e3?, par 4.Dd4#.
--------------------------------------------------
4.Rc4!
Car le roi noir menaçait de se sauver par la case d5. À noter qu’il semble que ce soit le seul coup gagnant, car le roi blanc s’est éloigné de la première rangée, et les pions noirs, qui ont avancé, menacent d’aller s’y promouvoir bientôt.
--------------------------------------------------
4...d5+(!)
Sinon mat dès le 6ème ou 7ème coup par la manœuvre exposée ci-dessus [(Dh2+!,) Dh5+! puis Dh8#] ou bien, si 4...e3?, par 5.Dxd4#.
--------------------------------------------------
5.Rc5!
Car le roi noir menaçait de se sauver par la case d6. À noter que c’est le seul coup gagnant, car le roi blanc s’est beaucoup éloigné de la première rangée, et les pions noirs, qui ont bien avancé, menacent d’aller s’y promouvoir bientôt. En conséquence, sur tout autre cinquième coup blanc, les Blancs ne pourraient plus qu’obtenir la nulle par des échecs de leur dame jusqu’à triple répétition de position.
Exemple :
5.Rb3? e3(!) (par exemple car pas le seul coup annulant) 6.Dg3+ Re4 7.Dh4+ f4 8.Dxf6 f2 9.Dg6+ Rf3 10.Dh5+ Rg2 11.Dg4+ Rf1 12.Dd1+ Rg2 13.Dg4+ Rf1 14.Dd1+ Rg2 15.Dg4+ et nulle sur réclamation de Komodo auprès de l’arbitre, la même position venant de se répéter pour la troisième fois.
--------------------------------------------------
5...d2(!) ou f2(!)
Les deux seules variations principales de ce court multicoups !! J
Sinon mat rapide par 7.Dh8# ou 6.Dxd4#, à l’image de ce qu’on a vu plus haut.
--------------------------------------------------
6.Dh2+!
Cette fois, ça y est, les Blancs peuvent appliquer leur plan de trois échecs consécutifs sur la colonne "h", le dernier des trois donnant le mat.
--------------------------------------------------
6...f4 (forcé) 7.Dh5+! f5 (forcé) 8.Dh8#
----------------------------------------------------------------------------------------------------
Anecdote : en composant ce mat en 8 coups, j’avais rêvé que chaque pion noir joue un coup et un seul, et avance donc d’une case.
Mais ça n’a pas été possible. Notons d’abord qu’il aurait fallu que ce fût un mat en 9 coups, et non en 8 coups, vu que les Noirs jouent un coup de moins que les Blancs dans un problème normal.
Dans le cas de mon problème, cinq pions ont avancé d’une case, un pion a avancé de deux cases et deux pions n’ont pas bougé, les deux pions de la colonne "e". C’eût été magnifique, évidemment, mais on ne fabrique pas comme ça un chef-d’œuvre en claquant des doigts !
À noter que le roi noir bloquant le pion e6, il aurait dû lui aussi bouger et il aurait donc fallu un mat en 10 coups, en fait.
----------------------------------------------------------------------------------------------------
Rédacteur du présent blog :
Pierre-Antoine CATHIGNOL, né au Mans le 3 décembre 1949, domicilié à Clermont-Ferrand.
Pour tout contact : cathignol@laposte.net
----------------------------------------------------------------------------------------------------
Édition du samedi 26 mai 2018 à 20h48
----------------------------------------------------------------------------------------------------